Waterfall Park : Avez-vous la fibre… du Négociateur ?

Bonjour, ici Claude Poirier. On nous rapporte qu’un « dividu » suspect aurait été aperçu en train de s’accaparer un kiosque de « crème en glace » au troisième étage du parc d’attractions, entre la maison hantée et le carrousel. Nous suspectons qu’il pourrait être tenté de l’utiliser pour extorquer à sa belle-mère un commerce du sixième étage pour compléter son monopole du bowling. Ce dividu étant susceptible d’engranger beaucoup de points grâce à cette transaction malhonnête, il est donc considéré dangereux pour les autres joueurs autour de la table. 10-4.


Dans Waterfall Park, vous incarnez des entrepreneurs-investisseurs désirant développer un parc d’attractions construit sur une île artificielle. Au fil de la partie, vous deviendrez propriétaires de « terrains » répartis sur les différents étages de l’île, et aussi de commerces que vous pourrez y construire. Comme la compétition est très forte sur l’île de Waterfall Park, vous devrez absolument négocier avec vos voisins pour obtenir l’espace nécessaire pour compléter vos commerces et générer des revenus intéressants. Négocierez-vous de bonne foi ? Tenterez-vous de vous placer en position avantageuse pour forcer vos adversaires à accepter vos offres ridicules ? Serez-vous prêt à céder beaucoup (trop) de choses pour pouvoir compléter votre cinéma du premier étage, dont vous rêvez depuis le début de la partie ? Tant de questions surgissent dans le joli chaos d’une partie de Waterfall Park !


Comment ça marche ?


Waterfall Park se joue sur quatre tours. Au début de chaque tour, les joueurs reçoivent un choix de cartes « terrains » piochées au hasard. Ils doivent sélectionner un certain nombre de ces terrains (variable en fonction du tour et du nombre de joueurs) dont ils deviennent propriétaires et où ils placent un socle (vide) de leur couleur. Une fois les terrains acquis pour le tour, les joueurs reçoivent ensuite un certain nombre de tuiles représentant différents commerces ou attractions à construire sur l’île. Ils placent les tuiles devant eux, pour qu’elles soient visibles aux autres joueurs.



Ensuite, on négocie ! Les joueurs peuvent échanger tout ce qu’ils veulent : des terrains vides, des commerces construits, des tuiles de commerces à construire, de l’argent, des promesses… il n’y a pas de contraintes limitant ce qui peut être échangé (et pas de règle qui vous oblige à tenir vos promesses)! Cette phase de négociations est le cœur de Waterfall Park : les joueurs doivent tenter d’acquérir des terrains adjacents en nombre suffisant pour construire et compléter leurs commerces. En effet, chaque type de commerce nécessite entre trois et cinq tuiles adjacentes afin de générer un maximum de revenus (points de victoire). Un commerce incomplet générera aussi des revenus, mais de loin inférieurs à sa version complétée. Comme les terrains et les tuiles de commerces sont distribuées aléatoirement au début de chaque tour, il y a fort à parier qu’un de vos voisins détient quelque chose dont vous avez besoin, et vice-versa…


Lors que la phase d’échanges est terminée, les joueurs peuvent construire, sur leurs terrains, les commerces qu’ils ont en leur possession. Il faut bien planifier l’endroit où l’on construit, puisque s’il est permis qu’un commerce change de propriétaire lors des négociations, il ne peut en aucun cas être démoli… La construction est donc facultative : les tuiles commerce non utilisées peuvent être conservées pour les prochains tours. Cependant, un terrain vide ne rapporte rien… même pas un maigre sou ! Dans une partie qui ne dure que quatre tours, on essaiera donc de commencer rapidement à engranger nos précieuses piécettes !



Une fois les commerces construits, on passe à la phase des revenus : chaque joueur reçoit de l’argent pour les commerces construits dont il est propriétaire. Plus le commerce est gros (plusieurs tuiles adjacentes), plus il rapporte ! Lorsque les revenus sont empochés, on passe au tour suivant, et la partie se termine après la phase de revenus du quatrième tour. Le joueur le plus riche gagne (bonjour, capitalisme)!



Graphisme et matériel


Pour celles et ceux qui suivent le merveilleux monde des jeux de société depuis longtemps, les mécaniques de Waterfall Park vous donnent peut-être une impression de déjà-vu… Il s’agit en fait une réédition (ou plutôt une refonte) d’un jeu plus ancien du même concepteur (Karsten Hartwig), Chinatown, édité par Z-MAN en 1999. 


Côté graphisme, l’amélioration est sans équivoque : Waterfall Park est un jeu adorablement coloré, ce qui le rend nettement plus invitant et festif que son prédécesseur (remarque éditoriale : c’est fou, on dirait que les illustrateurs de jeux de société ont découvert l’existence des couleurs à quelque part entre 2004 et 2007). Les illustrations des tuiles, sans se démarquer particulièrement par leur originalité, sont tout à fait honnêtes. Les couleurs et les formes permettent bien de les distinguer sur le plateau.



Le matériel est de bonne qualité et plaisant à manipuler. Les tuiles en carton sont assez épaisses, et les socles en plastique indiquant la propriété des terrains restent bien en place grâce aux petits trous pratiqués dans le plateau de jeu, un ajout fort apprécié dans un jeu où, en raison de l’importance de l’emplacement des tuiles, il serait très fâcheux de déplacer accidentellement des pièces ! Waterfall Park propose aussi un système de rangement pour accélérer la mise en place du jeu (vous savez comme j’adooooooore les boîtes bien rangées, voir mon billet sur Heat!) Seul petit hic : il faut ranger la boîte à l’horizontale, au risque de devoir trier la monnaie à chaque début de partie (ce que j’ai appris à la dure, deux fois plutôt qu’une… moi qui range mes jeux comme je range mes livres : à la verticale!)



Enfin, le livret de règles est bref, clair et efficace (le jeu est simple et s’apprend très facilement; on a donc rarement besoin de s’y référer). 


Alors… on en pense quoi ?


S’il est une chose que j’ai apprise au long de mon parcours ludique, c’est qu’il est important de proposer les bons jeux aux bons joueurs. Si les joueurs les plus commodes se livrent de bonne grâce à n’importe quelle expérience ludique, peu importe sa nature et sa complexité, force est d’admettre que d’autres rechignent à plonger dans un jeu dont le thème ou les mécaniques ne les interpellent pas. Et les plus difficiles d’entre eux pourraient même aller jusqu’à gâcher l’expérience de jeu pour tout le monde. (À ce titre, je me souviens d’une partie d’Horreur à Arkham, un jeu coopératif, où la chose la plus horrifiante et terrible à laquelle nous avons été confrontés n’était pas les tentacules de l’innommable Cthulhu, mais bien l’attitude d’un joueur qui détestait viscéralement jouer en équipe. Inutile de dire que la partie a été longue et passablement désagréable.) Bref, il faut simplement apprendre à accepter cette triste réalité : tous les jeux ne sont pas faits pour tout le monde; il vaut mieux ne pas trop forcer la main des récalcitrants.


Comme beaucoup de jeux qui reposent en grande partie sur la discussion et/ou la négociation (comme Bohnanza! ou encore les jeux de déduction en groupe comme les Loups-Garous de Thiercelieux), le plaisir que vous allez éprouver dans Waterfall Park est directement proportionnel à l’attitude ouverte et à la bonne volonté des joueurs rassemblés autour de la table. Négocier avec quelqu’un qui déteste négocier relève davantage du calvaire que du jeu de société, soyons francs. Le jeu pourrait aussi vous faire découvrir à quel point votre beau-père est avare et radin (« Donaldaaaaaaa, j’ai dit : pas de bowliiiiiiing! »). Mais non. J’invente. Je rigole. Tout le monde a un beau-père exceptionnel et généreux (insérez ici un raclement de gorge éloquent). Bref, c’est là ma petite mise en garde : préparez vos partenaires ludiques à l’idée que, pour avoir du plaisir, il faudra se prêter au jeu et coopérer un tant soit peu, même si c’est un jeu compétitif !



En préparant adéquatement le terrain pour les joueurs, j’ai donc fait l’essai de Waterfall Park en deux temps : d’abord avec des enfants (10 et 15 ans) puis avec des adultes (4 joueurs). Et les deux fois, tout le monde a adoré !


Je craignais que, malgré le nombre restreint de tours, la partie ne s’étire éternellement et que la phase des négociations tourne en rond… mais non ! Tout le monde (même mon plus jeune) a rapidement compris la valeur relative des terrains et des commerces, et la plupart des rondes de négociations se sont faites dans les rires et la cordialité. Plus la partie avance, plus on négocie serré… surtout quand plus d’un joueur convoite un même emplacement sur le plateau, ce qui entraîne de la surenchère (qui ravit bien sûr le propriétaire du terrain en question). Le jeu crée souvent des situations cocasses : par exemple, un joueur retient fièrement un terrain stratégique pour faire monter sa valeur au prochain tour… pour finalement constater que plus personne n’en a besoin, et qu’il est maintenant pris pour construire une triste maison de clowns toute seule au milieu des lucratives allées de quilles de son adversaire ! Et puis tout à coup, la partie est terminée, et on se surprend à discuter tous ensemble des bons et des mauvais coups, et de cet échange qui aurait pu changer complètement le cours de la partie…



Waterfall Park est un jeu dynamique qui favorise au maximum les interactions entre les joueurs (n’est-ce pas l’essence même d’un jeu de société?) Bien qu’il y ait certains choix stratégiques à faire (quels terrains choisir, quels commerces construire et à quel endroit, etc.) il y a aussi une bonne dose de chance, notamment dans l’attribution des terrains et des commerces au début de chaque tour, ce qui en fait un jeu familial qui convient parfaitement aux joueurs de tous les âges et de tous les niveaux. C’est d’ailleurs ce qui le distingue de la version précédente, Chinatown : le jeu a été épuré, simplifié et écourté, ce qui m’a semblé une bonne chose, mais qui ne plaira pas forcément aux mordus de l’original.


On aime…

  • La durée assez courte des parties (30-45 minutes, selon le nombre de joueurs)
  • Le dynamisme du jeu et son côté très social
  • La simplicité des règles et des mécaniques de jeu (pas de prise de tête, on joue!)
  • Le graphisme coloré du plateau

On aime moins…

  • Le chaos qui peut parfois régner pendant les négociations, puisque tout le monde joue en même temps (certains peuvent aimer ça! De notre côté, par contre, il a fallu décréter des tours de parole, parce que les enfants parlaient tous les uns par-dessus les autres!) 
  • L’absence de couvercle sur le contenant à jetons;
  • Les coups de malchance qui surviennent parfois en piochant nos cartes terrain (mais pour limiter l’impact de la chance, on pourrait facilement intégrer une mécanique de sélection de cartes (draft), quitte à prendre deux minutes de plus à chaque tour!)

WATERFALL PARK

Repos Production

3-5 joueurs
10 ans et +
45 min

-Mat

Pour la version en français : https://www.asdesjeux.com/products/waterfall-park-vf

Pour la version en anglais : https://www.asdesjeux.com/en/products/waterfall-park-va


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