Mycelia : La goutte (de rosée) qui fait déborder le plateau

💡 Nature

⚙ Développement de pioche (deckbuilding)

Par une sorte de hasard étrange de la vie, je venais tout juste de terminer d’écrire mon « TOP 10 DES DECKBUILDERS » (d’ailleurs, si vous ne l’avez pas encore lu, c’est ici!) lorsque je suis tombé sur Mycelia, un autre jeu de développement de pioche (deckbuilder) publié l’année dernière par Ravensburger. Évidemment, j’ai tout de suite été mordu par les dents acérées du doute : suis-je passé à côté d’un jeu qui aurait dû figurer dans mon palmarès ? Devrais-je réécrire tout mon TOP 10 ? En faire un TOP 11 ? Ajouter une catégorie « Champignons » (c’est un peu niché, j’avoue…) ? Calmant mes angoisses existentielles, je me suis dit que j’allais tout d’abord jouer quelques parties de Mycelia pour me faire une tête et que, tout en écrivant mon article pour vous le faire découvrir, j’en profiterais pour statuer s’il mérite ou non sa place dans mon palmarès.

D’entrée de jeu, outre le fait que je suis un grand fan du développement de pioche, Mycelia a piqué ma curiosité. Un deckbuilder avec des champignons ? Mais au risque de vous décevoir, vous pouvez ranger tout de suite vos pantalons bruns à pattes d’éléphant, votre coupe Longueuil et vos vieux vinyles de Cream : ces champignons ne nous plongent pas vraiment au cœur d’une expérience psychédélique, mais plutôt dans un univers gentil et coloré dont l’esthétique rappelle par moments Super Mario Bros et Pokémon (désolé pour les nostalgiques des années 70).

Contrairement à beaucoup d’autres jeux de développement de pioche, Mycelia se distingue d’emblée par sa présence sur table : exit la simple (et plate) rivière de cartes; ici, on a des plateaux colorés, de jolies gouttes de rosée en 3D et, surtout, cette intrigante souche d’arbre (le « sanctuaire ») qu’on place au centre de la table. Excitant pour les yeux, donc, ça oui ! Mais j’ai été trop souvent déçu par des jeux fantastiquement beaux qui présentaient malheureusement des règles ou des mécaniques bancales. C’est donc en harnachant mon enthousiasme que je me suis lancé dans ce panier de champignons ! Voyons ce que j’y ai trouvé !


Comment ça marche?

Dans le monde merveilleux de Mycelia, les joueurs incarnent des…euh… champignons (?!) chargés de dénicher de précieuses gouttes de rosée et de les ramener au Sanctuaire de la Vie (c’est la curieuse souche au centre de la table). Le hic, c’est que les gouttelettes sont éparpillées dans la forêt (le plateau du joueur); il faudra donc trouver moyen de les déplacer progressivement jusqu’à l’entrée du Sanctuaire à l’aide de nos cartes. Le premier joueur à libérer son plateau de toutes les gouttes de rosée gagne la partie !

Comme dans la plupart des deckbuilders, tous les joueurs débutent la partie avec un petit paquet de cartes de départ (tout le monde a les mêmes) à partir duquel on pioche une main de trois cartes. À son tour, on doit jouer les trois cartes de sa main (on peut ou non en activer les effets, mais on ne peut pas conserver de cartes en main). Ces cartes permettent soit d’acquérir des Feuilles (la monnaie avec laquelle on achète de nouvelles cartes), soit d’interagir avec les gouttes de rosée sur notre plateau.

Les Feuilles acquises grâce à nos cartes peuvent être gardées en réserve pour les prochains tours ou dépensées pour acheter des cartes disponibles dans le marché central. On peut aussi utiliser nos feuilles pour activer l’une des actions spéciales disponibles sous notre plateau de jeu. Par exemple, une fois par tour, on peut dépenser une feuille pour remplacer toutes les cartes disponibles dans le marché.

Évidemment, plus la partie avance, plus notre paquet s’enrichit de nouvelles cartes qui nous permettront de manipuler (déplacer/détruire) plus efficacement nos gouttes de rosée. Comme les effets des cartes sont très variés, le défi est surtout de trouver les bonnes synergies entre nos cartes pour prendre les devants dans la course aux gouttelettes.

Lorsque, grâce à nos cartes, on parvient à déplacer des gouttes de rosée à l’entrée du Sanctuaire (c’est la case où est représenté un tourbillon bleu), ces gouttes sont retirées de notre plateau et placées dans les cavités du plateau central, qui fait office d’horloge. Lorsque le Sanctuaire est rempli (il y a différents seuils en fonction du nombre de joueurs), une nouvelle journée commence et de nouvelles gouttes de rosée apparaissent dans la forêt ! On fait faire un tour complet au plateau du Sanctuaire, de manière à en faire tomber les gouttes et le dé de Rosée, qui indiquera sur quelles cases apparaîtront les nouvelles gouttes.

 

Ça ressemble un peu au mythe du pauvre Sisyphe, condamné à pousser son rocher au sommet de la montagne pour le voir immanquablement retomber tout en bas : alors qu’on peine à se débarrasser de nos gouttes, d’autres s’ajoutent chaque fois que le Sanctuaire se vide; cela peut contrarier nos plans un moment, mais de façon générale, peu de gouttes s’ajoutent en comparaison à celles dont on arrive à se départir.

Alors… on en pense quoi ?

Par-delà son apparence sur table qui se distingue un peu du lot, force est d’admettre que Mycelia n’a pas la prétention de réinventer la roue. C’est un bon deckbuilder de type « course », qui rappelle un peu After Us ou encore la Course vers El Dorado, où il importe surtout de se concentrer sur notre propre jeu et assez peu sur celui des autres. Là où After Us souffrait un peu de la superficialité des interactions entre les joueurs, Mycelia tente de corriger le tir en proposant des cartes qui, une fois jouées, ont aussi un effet sur nos adversaires (par exemple : « Gagnez 3 feuilles. Vos adversaires gagnent 1 feuille »). Cela contribue un peu à attirer notre attention sur ce que font les autres. Le marché des cartes est aussi plus malléable, permettant d’utiliser nos feuilles pour renouveler le marché et faire disparaître des cartes qui pourraient être intéressantes pour nos adversaires. On n’atteint toutefois pas le même degré d’interaction que la Course vers El Dorado, où on peut physiquement bloquer les autres coureurs et les contraindre à faire des détours.

Le matériel est de bonne qualité, les illustrations jolies. Ravensburger souhaitait clairement produire un jeu qui attire l’œil, notamment par l’ajout du Sanctuaire où l’on dépose nos gouttes. Il faut toutefois mentionner que, mécaniquement, le Sanctuaire est tout à fait inutile; on aurait pu le remplacer par un petit plateau de jeu où s’accumulent les gouttes. En ce sens, il n’est pas plus utile que l’arbre iconique d’Everdell ou la mangeoire de Wingspan… mais toutes les composantes ont-elles à être utiles ? Il ne faut pas sous-estimer le pouvoir du visuel lorsque nous apprécions l’expérience offerte par un jeu de société. Si toutes les cartes de nos jeux étaient imprimées en noir et blanc, sans illustrations, nous pourrions jouer quand même… mais grands dieux que ce serait ennuyant pour les yeux ! Alors… pourquoi un si gros sanctuaire, qui occupe plus de la moitié de la boîte de rangement de Mycelia ? Je répondrais d’abord par : pourquoi pas ? et ensuite par cette citation de Cyrano de Bergerac qui, attendant la mort son épée à la main, déclare : « c’est bien plus beau lorsque c’est inutile! »

Mycelia offre aussi une certaine dose de variabilité entre les parties. Le livret de règles propose de commencer à jouer en utilisant les plateaux symétriques et les cartes de base. Une fois familiarisés avec le jeu, on peut choisir de retourner les plateaux du côté asymétrique, et d’intégrer les cartes avancées qui offrent plus d’options stratégiques (notamment la possibilité de détruire des cartes de notre paquet). Si vous êtes déjà des vétérans de ce type de jeu, on peut résolument utiliser les cartes avancées dès la première partie.

En somme, Mycelia, sans renouveler le genre, est un deckbuilder honnête et plaisant pour l’œil, qui sort des thèmes traditionnels du genre (la fantasy ou la science-fiction). Il ne plaira peut-être pas aux amateurs de haute voltige stratégique, mais ce n’est clairement pas son objectif. La mise en place est rapide, les règles sont simples (et offertes en six langues!) et les parties ne s’éternisent pas (une trentaine de minutes environ, selon le nombre de joueurs). C’est un peu qui pourrait constituer une excellente porte d’entrée vers les jeux de développement de pioche, si votre collection n’est pas déjà bien garnie en jeux de ce genre.

 

On aime…

  • L’esthétique soignée et plaisante pour l’oeil;
  • La fluidité des parties;
  • Les règles modulables et multilingues;

On aime moins…

  • Les interactions limitées entre les joueurs;
  • Le peu d’innovation sur le plan des mécaniques de jeu

 -Mat

Mycelia

Un jeu de Daniel Greiner

Ravensburger

1-4 joueurs

9 ans et +

30-45 minutes

Pour vous procurer ce jeu, cliquez ici !


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