J'fais des... bonbons, pour travailler plus, pour faire plus d'argent, pour faire plus de... bonbons, pour travailler plus...

Les sages paroles de ce classique des Vulgaires Machins pourraient probablement faire office de présentation sur la boîte de Rock Hard 1977, un jeu de placement d’ouvriers publié chez Devir en 2024.

Détail intéressant : le jeu a été créé par Jackie Fox, la bassiste du groupe rock entièrement féminin The Runaways, qui a connu une certaine popularité vers la fin des années 70. Elle s’est fortement inspirée de ses souvenirs et de son expérience de l’univers des rockeuses et rockeurs pour développer la thématique et les mécaniques de Rock Hard 1977.

Et ça paraît ! Si vous êtes fatigués de ces innombrables jeux où le thème est accessoire et où tout finit par se résumer à « convertir des ressources en points de victoire », alors Rock Hard pourrait être la bouffée de fraîcheur qu'il vous faut ! Des dizaines et des dizaines de jeux auxquels j’ai eu l’occasion de jouer dans la dernière année, c’est sans contredit celui où j’ai eu le plus l’impression que le thème et les mécaniques de jeu étaient vraiment en parfaite harmonie.

Rock Hard 1977 tente de recréer la carrière d’une star du rock (vous), de ses débuts anonymes jusqu’aux sommets de sa gloire. Pendant neuf mois de votre vie de (future) star, vous allez devoir gérer efficacement votre horaire pour faire avancer votre carrière. Au début, c’est difficile ! L’argent est rare, il faut avoir un emploi d’appoint, trouver du temps pour répéter avec le groupe, économiser vos sous pour enregistrer un premier démo, et jouer le soir dans n’importe quelle salle miteuse qui veut bien de vous… avec tant à faire, il faudrait littéralement pouvoir se diviser en deux, que dis-je, en quatre pour arriver à tout faire. Et c’est là que le démon vient vous picouiller du bout de sa queue fourchue : pourquoi pas avoir recours à… certaines substances… qui pourraient vous permettre d’être plus productifs que le commun des mortels ? Des bonbons ! Mais attention, l’abus de bonbons, c’est une pente dangereusement glissante qui pourrait bien se retourner contre nous !

En naviguant intelligemment parmi ces périls et ces tentations, plus les mois passent, plus notre talent s’affirme, plus notre réputation s’améliore, et plus l’argent et la gloire seront au rendez-vous.

 

Comment ça marche ?

Les joueurs incarnent un ou une star émergente du rock dans les années 1970, aux talents et aux capacités uniques.

Une partie de Rock Hard 1977 se déroule sur neuf manches, chacune étant divisée en trois phases : le jour, le soir et la nuit. Lors de ces phases, les joueurs assigneront leurs rockeurs ou rockeuses à une activité parmi celles offertes dans la section correspondante du plateau de jeu.

Le jour. Bien que certaines langues sales (et aussi une chanson de Marc Déry qui a tourné beaucoup trop souvent chez moi) prétendent que les stars du rock se lèvent tard, dans Rock Hard, on n’a pas le luxe de donner crédit à toutes ces rumeurs. Parce que le jour, c’est le moment d’interagir avec des gens étranges qui ont un horaire de travail sain et normal : pourquoi pas donner une entrevue à la radio ? Embaucher des techniciens de scène ? Enregistrer une démo ? Négocier un contrat avec une maison de disques ? Ou simplement se pointer au travail (pour une fois…) question de faire un peu d’argent pour pouvoir se payer tout ça ?

Le soir. Le soleil se couche, mais notre journée ne fait que commencer ! Car c’est le soir que s’éveille enfin notre vraie vie de rockeurs ! Donner un spectacle pourrait nous rapporter un peu de prestige, un peu d’argent et nous permettre d’affiner nos talents, mais saura-t-on trouver une salle avant nos concurrents ? Et si, par malchance, on n’a pas de spectacle à donner, on peut quand même profiter de cette soirée pour répéter, travailler, ou composer de nouvelles chansons.

La nuit. Ah, la nuit. Un excellent moment pour caresser une pêche, nous disait Pierre-Éric Frigo de « Radio Joe-Dassin », mais dans l’univers du Rock, les nuits sont un peu plus mouvementées. Bien sûr, on peut être PLATES et se coucher tôt pour être frais le lendemain matin (et jouer en premier!) mais c’est aussi le temps de sortir et de faire des rencontres, bref, ce qu’on n’a pas eu le temps de faire plus tôt dans la journée. Le plateau nous propose plusieurs boîtes de nuit, chacune associée à un paquet de cartes qui nous feront vivre différents événements nocturnes ayant des effets positifs (ou négatifs, ou les deux) sur notre carrière, nos finances ou nos talents!

La nuit terminée, il ne nous reste que quelques maigres heures de sommeil avant de recommencer une nouvelle journée. On se rend rapidement compte qu’il y a trop à faire, et qu’on aura certainement besoin d’un petit coup de pouce pour y arriver. Dans l’une ou l’autre des phases de la journée, un joueur peut choisir d’ingérer un « bonbon ». Bon, soyons francs, on sait tous et toutes à quoi ces bonbons font véritablement référence. Mais comme c’est un jeu grand public auquel vous jouerez peut-être avec vos enfants, dans Rock Hard, les rockeurs consomment des bonbons. Beaucoup de bonbons.

Consommer un « bonbon » vous donne l’énergie qu’il vous manquait pour faire une deuxième action dans la même phase de jeu. Formidable, non ? Une simple pepermanne, et vous voilà en train de travailler ET de donner une entrevue à la radio. Mais attention ! Chaque bonbon consommé vous entraîne plus loin dans les affres de la dépendance au sucre, et plus vous risquez de tomber dans une telle rage de sucre que vous devrez perdre un tour en désintoxication. Est-ce un risque à prendre pour avoir un avantage sur vos concurrents ? Peut-être bien…

Au bout de neuf manches effrénées, la star ayant cumulé le plus de points de prestige gagne la partie !

 

Alors, on en pense quoi ?

Comme je l’ai mentionné en introduction, Rock Hard 1977 réussit extrêmement bien à nous faire ressentir son thème dans toutes les facettes du jeu. Sa mécanique de pose d’ouvriers est d’une simplicité désarmante (on n’a qu’un seul « ouvrier », notre rockeur, à placer à chaque phase de jeu), mais le puzzle qu’il propose est étonnamment complexe : dès le premier tour, on se rend compte qu’on ne peut pas tout faire, et qu’il faudra consentir à des sacrifices. Accumuler plein d’argent en travaillant ne se fait qu’au détriment des répétitions (et donc du développement de nos talents) et les activités les plus payantes en prestige ne sont accessibles qu’aux joueurs ayant réussi à équilibrer adéquatement leur progression. Ajoutons à cela une solide compétition entre les joueurs pour les emplacements disponibles sur le plateau, et on obtient un jeu hautement interactif et tactique où il faudra savoir sauter sur les bonnes occasions lorsqu’elles se présentent pour prendre les devants (et peut-être consommer un bonbon… ou deux !)

Côté matériel, encore là, le thème ressort parfaitement bien. Les plateaux de joueurs en forme d’amplificateurs où les boutons indiquent le niveau de nos différents talents (présence scénique, réputation, composition de chansons) sont particulièrement bien pensés. Le plateau de jeu, bien que chargé, est assez simple à maîtriser grâce à une iconographie simple et intuitive.

Il y a résolument une dimension rétro à ce jeu. Bien sûr, vous me direz qu’on a ajouté 1977 dans le titre et que ça doit bien être pour une raison, mais que veux surtout parler ici d’une dimension rétro dans la conception même du jeu. L’argent est en papier (je pense que les seuls autres jeux avec de l’argent en papier que je connaisse, c’est Destins et Monopoly). Les différents paquets de cartes associées aux boîtes de nuit sont très thématiques (il y a sur chaque carte un petit paragraphe qui vous raconte ce qui se passe cette nuit-là) mais ajoutent une dimension aléatoire (c’est un peu comme piocher une carte « Chance » au Monopoly!) Bref, ces petites choses donnent vraiment un charme vintage à Rock Hard 1977, mais je sais que ça pourrait agacer certains types de joueurs.

Pour toutes ces raisons, je pense que Rock Hard 1977 s’adresse d’abord et avant tout aux joueuses et aux joueurs qui sont intéressés par l’expérience hautement thématique qu’il propose. C’est un jeu de complexité moyenne qui demeure accessible à un assez grand éventail de joueurs.

 

On aime…

-La thématique du jeu, magistralement bien intégrée aux mécaniques;

-La simplicité et la fluidité des tours;

-Le matériel ultra-plaisant !

 

On aime moins…

-Le design un peu chargé du plateau de jeu;

-Quelques mécaniques de jeu un peu poussiéreuses (on dit « vintage » !)

 

-Mat

Rock Hard 1977

Un jeu de Jackie Fox, illustré par Jennifer Giner

2 à 5 joueurs

45-90 min

14 ans et +


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