Stella: « Dis-moi ce que tu vois, je te dirai qui marque des points ! »

Dixit, du concepteur Jean-Louis Roubira, fait partie du paysage ludiste depuis une bonne quinzaine d’années (2008). C’est l’un des jeux d’ambiance (ou de party) les plus connus, les plus accessibles et les plus recommandés. Son succès intarissable a encouragé l’éditeur Libellud à lui ajouter, au fil des années, une dizaine d’extensions qui en augmentent la rejouabilité (qui, disons-le, était déjà considérable dès la boîte de base).

Dans Dixit, les joueurs ont en main six cartes aux illustrations magnifiques, bourrées de petits détails et de possibilités d’interprétation. Le joueur actif, qu’on surnomme « le Conteur » choisit secrètement une de ses cartes et communique aux autres joueurs une phrase qui en est inspirée. Les autres joueurs choisissent ensuite parmi leurs propres cartes celle qui, selon eux, correspond le mieux à la phrase qui a été communiquée. Le Conteur recueille les cartes choisies et y mélange la sienne. Ces cartes sont ensuite révélées au centre de la table, et on passe au vote.

L’objectif des joueurs est d’essayer d’identifier LA carte du Conteur, celle qui a inspiré la phrase mystère. Si tous les joueurs identifient la bonne carte (parce que la phrase était beaucoup trop évidente ou descriptive), alors tout le monde marque deux points, SAUF le Conteur (c’est la punition pour avoir donné des indices trop faciles) ! Même chose si personne ne retrouve la bonne carte : c’était trop difficile, et tout le monde marque des points, sauf le Conteur. Finalement, si seulement une partie des joueurs identifient la bonne carte, alors le Conteur et les joueurs ayant fourni la bonne réponse marquent trois points. De plus, tous les joueurs (à l’exception du Conteur) dont la carte a recueilli au moins un vote (on ne peut pas voter pour sa propre carte!) marquent un point par vote recueilli. Les cartes utilisées sont défaussées, tous les joueurs piochent une nouvelle carte pour compléter leur main, et on commence un nouveau tour avec un nouveau Conteur. Le premier joueur à atteindre la marque des trente points gagne la partie!

Bien sûr, la difficulté de Dixit réside dans le bon dosage des indices donnés par le Conteur : ils doivent être juste assez clairs pour permettre à quelques personnes d’identifier la bonne carte, mais aussi suffisamment vagues pour en induire d’autres en erreur. Et ce n’est vraiment pas toujours facile : il faut faire preuve de créativité ! Les joueurs (surtout les plus jeunes) qui ont de la difficulté avec les inférences et les associations d’idées auront souvent de la difficulté à trouver une bonne phrase lorsqu’ils sont Conteurs (mais une image ne vaut-elle pas mille « maux» ?) Toutefois, les superbes illustrations des cartes nous facilitent la tâche en nous donnant tout plein de possibilités.

Et Stella, dans tout ça ?

Réjouissez-vous, vous qui lisez attentivement ce blogue : vous venez d’avoir, en prime, un banc d’essai express sur Dixit (bon, avec quinze ans de retard, mais quand même)! Vous pouvez d’ailleurs vous le procurer ici : https://www.asdesjeux.com/products/stella-dixit-universe-multi

Ce n’est toutefois pas de ce jeu culte dont je voulais vous parler aujourd’hui, mais bien de sa petite sœur, Stella.

Publié en 2021, Stella n’est pas une extension de Dixit, mais bien un jeu à part entière qui s’inscrit dans l’univers imagé et onirique de son grand frère. En changeant la manière de jouer avec les cartes, les concepteurs Gérald Cattiaux et Jean-Louis Roubira voulaient peut-être rendre le jeu plus accessible, surtout à ceux qui ont l’imagination… moins fertile ! Ainsi, si vous avez aimé le principe de Dixit mais que vous n’avez pas aimé votre expérience de jeu (par exemple, parce que votre belle-soeur a réfléchi pendant vingt bonnes minutes pour finalement demander à haute voix : « j’ai tu le droit de dire qu’il y a une grosse face de grenouille verte sur ma carte? ») alors, Stella est pour vous. Et si vous avez aimé Dixit, et que vous y avez beaucoup joué, Stella est aussi pour vous, ça vous changera de la routine. Et si vous n’avez jamais joué à Dixit et que c’est la première fois que vous en entendez parler, Stella est pour vous ! C’est pas compliqué, hein : Stella, c’est vraiment pour tout le monde !

Comment ça marche ?

Une partie de Stella se déroule sur quatre manches. Au centre de la table se trouve une grille formée de trois rangées de cinq cartes Dixit (toujours aussi magnifiquement illustrées). Chaque joueur reçoit un marqueur effaçable et un petit tableau représentant la grille de cartes. Et c’est parti !

Contrairement à Dixit où il faut inventer une phrase ou un mot mystère, dans Stella, on pige un mot-clé au hasard et on le révèle à tous les joueurs. Ensuite, chaque joueur doit marquer secrètement d’un X sur son tableau personnel toutes les illustrations pour lesquelles il peut établir un lien avec le mot révélé. Lorsque tout le monde a terminé, chaque joueur déclare, à l’aide d’un jeton de sa couleur, combien d’associations il a réussi à effectuer à partir du mot-clé. Si un joueur annonce plus d’associations que les autres, il est considéré « dans l’obscurité » : il risque de perdre des points pendant ce tour !

On passe ensuite au décompte pour la manche. Le premier joueur (surnommé « l’Éclaireur ») annonce, en la pointant, une carte qu’il a identifiée dans son tableau comme ayant un lien avec le mot-clé. Plusieurs cas de figure peuvent se présenter :

• Si plusieurs autres joueurs ont fait la même association que lui, alors ils noircissent tous deux étoiles (points) à leur tableau personnel pour cette carte;
• Si un seul autre joueur a fait la même association, alors l’éclaireur et le joueur en question marquent un point supplémentaire et noircissent les trois étoiles à leur tableau;
• Si aucun autre joueur n’a choisi la même image, l’éclaireur chute ! Ouch! Non seulement il ne marque aucun point pour cette image, mais il ne peut plus gagner d’autres points pour cette manche (même si ses associations peuvent encore aider les autres joueurs à marquer). Il conserve néanmoins tous les points cumulés pendant la manche avant sa chute.
• Finalement, si un joueur chute (aucun autre joueur n’a choisi la même image) ET qu’en plus il était « dans l’obscurité » (il avait annoncé plus d’associations que les autres), alors non seulement il ne peut plus gagner de points pour cette manche, mais il perd aussi une étoile pour chacune des associations lui ayant rapporté des points pendant cette manche. Ça fait mal !

Lorsque le premier joueur a annoncé et résolu une carte, c’est au tour du prochain joueur de pointer une nouvelle carte. On continue ainsi jusqu’à ce que tous les joueurs aient chuté, ou qu’il ne reste plus d’associations à annoncer. On fait alors le cumul des étoiles pour la manche et on inscrit le total au tableau des scores. Selon la manche, on remplace l’une des trois rangées de cartes par de nouvelles, question de permettre de nouvelles associations, et on pige un nouveau mot-clé pour la prochaine manche. Le joueur ayant cumulé le plus de points après quatre manches gagne la partie !

Alors… on en pense quoi ?

Stella crée, tout comme Dixit, une tension stratégique intéressante dans le choix des associations. Parfois, on voit tout plein de possibilités qui pourraient nous rapporter beaucoup de points… mais plus on annonce d’associations, plus on risque de chuter et de se retrouver le bec à l’eau ! Il faut donc se demander à quel point les joueurs autour de la table seront en mesure de faire les mêmes associations que nous. 

Là où Dixit accrochait un peu (avec certains joueurs moins créatifs), Stella s’en sort beaucoup mieux. Comme on n’a plus besoin d’inventer une phrase et que tout le monde joue avec le même mot-clé et les mêmes cartes, on perd beaucoup moins de temps en réflexion et les manches se déroulent de manière plus rapide et fluide.

Côté matériel, on reste bien au chaud dans les vieilles pantoufles de l’univers Dixit, avec ses illustrations très originales et colorées. Esthétiquement, c’est très réussi : on plonge parfaitement bien dans le monde de rêve et d’imagination que propose le jeu. Vraiment, tout est plaisant pour l’œil, jusqu’aux jetons nous permettant d’annoncer notre quantité d’associations ! Les tableaux effaçables sont de bonne qualité et se nettoient facilement. Toutefois, comme pour tous les autres jeux avec des marqueurs effaçables à sec, il faudra prévoir les remplacer à moyen terme, surtout si vous jouez souvent.

Libellud nous propose une boîte bien conçue, où le matériel se range facilement et proprement. Seule critique : la boîte aurait pu être deux fois plus petite (avait-on vraiment besoin d’un espace individuel pour chaque jeton !?) même si, de toute évidence, l’idée était de proposer une boîte du même format que celle de Dixit (également beaucoup trop grande!) pour que ça fasse plus beau une fois sur vos tablettes !

Fait intéressant à noter : comme le jeu s’inscrit dans le même univers ludique, toutes les cartes illustrées de Stella peuvent être utilisées pour jouer à Dixit, et vice-versa. Si vous possédez déjà Dixit (et ses extensions), alors vous aurez en main un jeu dont la rejouabilité infinie. Littéralement. 

La capsule mathématique du jour : dans la boîte de base, il y a 84 cartes Dixit illustrées. Comme on joue avec seulement 15 cartes à la fois, cela donne déjà environ 14,8 millions de millards de possibilités de grilles de cartes différentes au début de chaque partie. Cependant, il ne faut pas oublier qu’on change une rangée de cartes à la fin de chaque manche… ce qui nous ajoute « seulement » environ 20 millions de possibilités supplémentaires de parties différentes.

Si ce n’est pas suffisant à votre goût, gardez en tête qu’il y a aussi 96 cartes contenant chacune deux mots-clés différents (donc 192 mots-clés au total) et que chacune des 14,8 millions de milliards de grilles de cartes probables peut donc être associée à 192 mots-clés potentiels… bon, ça donne des résultats beaucoup trop considérables pour que ça vaille la peine de vous les retranscrire ici. Alors, pensez-y : si vous avez Dixit et/ou certaines de ses extensions, à chaque fois, vous rajoutez 84 cartes illustrées de plus… Oui oui, prenez une pause ici, je vous laisse le temps d’aller chercher vos petits morceaux de cerveau éparpillés autour de vous après ce calcul de probabilités… Rejouabilité, vous dites ? 

Côté règles, comme pour Dixit, elles sont peu nombreuses et très facilement assimilées par des joueurs de tous les âges et de tous les niveaux. 

En somme, Stella est un jeu d’ambiance bien pensé et bien conçu, qui ne se contente pas de surfer sur le succès bien établi de Dixit, mais qui réinvente plutôt son fonctionnement et ouvre ses possibilités, tout en conservant ses points forts. C’est une « valeur sûre » qui fera le bonheur d’un vaste éventail de joueurs et de joueuses et qui agrémentera fort bien une soirée entre amis ou un party des Fêtes !

On aime…

-La simplicité des règles et de la conception;

-La fluidité des manches et des parties;

-L’esthétique incroyable de l’univers Dixit;

-La rejouabilité infinie;

On aime moins…

-La taille inutilement grande de la boîte (on pourrait y rajouter les cartes des extensions de Dixit, mais il faudrait pour cela sacrifier le système de rangement en plastique, ce qui est dommage);

-Les parties à 3 joueurs (on chute plus souvent et il faut donc prendre moins de risques, ce qui est un peu moins plaisant. Je recommande plutôt d’y jouer de 4 à 6 joueurs);

Stella : Dixit Universe

3-6 joueurs

8 ans et +

30 minutes par partie

-Mat

(Merci à l’ami ludiste et prof de maths Martin Labrecque qui m’a gentiment aidé pour le calcul des probabilités!)

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Pour vous procurer Dixit, c'est par ici : https://www.asdesjeux.com/products/dixit