Century : des jeux pour les siècles des siècles...

💡 Commerce

⚙ Placement d'ouvriers / Gestion et échange de ressources

Ah, détrompez-vous tout de suite ! Je n’ai pas transformé ma chronique ludique en chronique biblique; je ne vous parlerai pas de Messe, mais je vous inviterai à communier avec le dernier opus de la trilogie ludique d’Emerson Matsuuchi, Century : un Nouveau Monde, réédité en 2020 sous le titre Century Golem : Un monde sans fin.

En cabotinant avec ce préambule ludo-religieux, une question me passe par l’esprit : y a-t-il un saint patron des jeux de société ? On sait que c’est saint Sébastien qui veille sur les jeux sportifs, mais comme il doit être bien occupé avec les Jeux de Paris qui s’en viennent (à la course…), je suppose qu’on ne peut pas trop compter sur lui pour piocher l’abbaye tant attendue dans notre partie de Carcassonne, ou pour éviter que notre chaudron nous explose au visage dans les Charlatans de Belcastel. Sommes-nous orphelins de saint protecteur ? Je viens de passer beaucoup trop de temps à faire des recherches pour remédier à cela, et voici quelques propositions :

  • Saint Éloi, patron des horlogers, pour ceux qui veulent régler leur stratégie au quart de tour;
  • Sainte Thérèse d’Avila, patronne des joueuses et joueurs d’échecs, pour ceux qui réfléchissent vraiment beaucoup avant de jouer;
  • Saint Michel, patron des parachutistes, pour éviter les dégringolades subites en fin de partie;
  • Saint Jean-Baptiste de La Salle, patron des professeurs, pour réussir à expliquer un jeu clairement en moins d’une heure (y’en a beaucoup qui auraient besoin de son aide…)
  • Saint Pierre, patron des serruriers, pour trouver la clé de la victoire;

Il y aurait aussi Saint Antoine, celui qui nous aide parfois à retrouver nos clés ou nos lunettes de soleil perdues, et qui pourrait peut-être faire un spécial pour nous éviter de perdre aussi nos parties. Mais bon, tout ça ne me satisfait pas vraiment, alors je propose de canoniser immédiatement quelqu’un du milieu des jeux de société qui deviendra notre nouveau saint protecteur. Saint Reiner Knizia ? Saint Uwe Rosenberg ? Saint Roch de l’As ? Je suis ouvert à vos suggestions !

De retour à nos moutons, maintenant, après ce vraiment trop long préambule. Avant de vous présenter mon plat de résistance d’aujourd’hui, je pense qu’il serait pertinent de faire un petit tour d’horizon de la série dans laquelle il s’inscrit.

Pour s’y retrouver dans un nombre de jeux qui semble sans fin…

Tous les jeux de la série Century sont très apparentés et tournent autour du thème du commerce. Pour vous les résumer en quelques mots : on y acquiert des marchandises qu’on échange (avantageusement ou pas) contre d’autres marchandises, de manière à obtenir le nécessaire pour compléter des objectifs valant des points en fin de partie.

Le tout premier jeu de cette série, Century : La route des épices, a été publié en 2017. Le second, Century : Merveilles orientales, a suivi en 2018, et la trilogie a été complétée en 2019 avec Century : un Nouveau Monde. Trois jeux en trois ans, ça fait une pas pire moyenne au bâton, comme on dit par chez nous. Or, comme si ce n’était pas assez, ces trois jeux ont été réédités à peu près en même temps que leur parution originale (oui, c’est bizarre). Ainsi ont paru Century : Édition Golem, Century Golem : Montagnes orientales et Century Golem : Un monde sans fin. Dans ces nouvelles versions, on a simplement substitué à la thématique réaliste/historique des originaux une thématique fantastique où, plutôt que d’échanger du safran, du curcuma et de la cannelle, on échange des pierres précieuses avec de sympathiques golems. Mais ne vous y faites pas prendre : ce sont exactement les mêmes jeux ! Il n’y a que le thème et le visuel qui soient différents.

Que ce soit dans la version originale ou dans la version Golem, tous les jeux Century conservent, fondamentalement, leur mécanique d’échange/accomplissement d’objectifs. Chaque jeu de la série y ajoute une mécanique secondaire qui fait varier la manière dont les échanges s’opèrent :

La route des épices/Édition Golem - développement de pioche (deckbuilding) et gestion de main : on doit acquérir des cartes qui, lorsque jouées, nous permettront d’échanger des marchandises.

Merveilles orientales/Montagnes orientales - déplacements/livraisons : on doit déplacer notre navire entre différentes îles, chaque île proposant un type d’échange de marchandises. On doit ensuite livrer ces marchandises dans des ports pour les transformer en points de victoire.

Un Nouveau Monde /Un monde sans fin - placement d’ouvriers : on place nos petits marchands sur les lieux du plateau permettant d’échanger les marchandises (je vous explique tout ça en détail dans quelques instants!)

Finalement, si vous possédez plusieurs jeux de la série Century/Century Golem, il est aussi possible de les combiner pour obtenir une version plus complexe réunissant toutes les mécaniques des jeux combinés. Pas mal, non ?

Century Golem : un monde sans fin

Des amis m’ont fait jouer quelques fois à Century : la route des épices et à Century : Merveilles orientales, et j’ai bien aimé l’expérience même si, à mon grand désarroi, je dois admettre que ce sont des jeux auxquels je suis assez médiocre (ou bien ce sont mes amis qui sont trop bons…) Je suppose que je n’ai pas la fibre du commerçant. Mais j’essaie, j’essaie très fort !

Je n’avais pas eu l’occasion de jouer au tout dernier. Placement d’ouvriers, me dites-vous ? J’embarque ! Avec le développement de pioche, c’est ma mécanique préférée (je vous ferai bien un petit top 5-10-15 de jeux de placement d’ouvriers un de ces jours).

Comment ça marche ?

Dans Un monde sans fin, on doit être celui ou celle qui accumule le plus de points de victoire en fin de partie, notamment en échangeant les marchandises de notre entrepôt contre des cartes Points.

Chaque joueur commence la partie avec six petits marchands et une poignée de marchandises de départ, qui prennent la forme de croustillantes pierres précieuses jaunes, vertes, bleues et roses.

À notre tour, c’est tout simple, deux options s’offrent à nous :

  1. Placer des marchands sur un lieu du plateau et effectuer son action. Chaque emplacement demande d’y placer un nombre précis de marchands (1, 2 ou 3). On ne peut pas rejouer sur un emplacement où se trouvent déjà des marchands de notre couleur. Si l’emplacement est occupé par un joueur adverse, alors il faut l’en expulser en plaçant le même nombre de marchands +1. Les marchands expulsés sont récupérés par leur propriétaire. En début de partie, certains lieux sont bloqués et sont donc inutilisables. Ils s’ouvriront en cours de partie, permettant davantage de possibilités au fur et à mesure que la partie avance.
  2. Se reposer. Si on n’a plus de marchands disponibles (ou si on ne veut pas en placer), on prend un tour de repos. On récupère tous les marchands de notre couleur sur le plateau (ainsi, on libère des lieux et des marchands qui pourront être utilisés à nouveau).

    Les actions que l’on peut faire sur le plateau sont généralement des échanges qui nous permettent de transformer nos marchandises (par exemple, trois gemmes jaunes contre trois gemmes vertes, une bleue contre quatre jaunes, etc.) Lorsqu’on réussit à accumuler les ressources demandées par une carte Points, on peut alors envoyer nos marchands sur le lieu situé sous cette carte pour la récupérer. En plus de valoir des points en fin de partie, chaque carte Points offre également soit un bonus immédiat (ressources, marchands additionnels) soit un avantage permanent (rabais ou bonus de ressources dans certains lieux).

    Lorsqu’un joueur obtient sa huitième carte Points, la fin de partie est déclenchée : on finit le tour en cours et on compte les points !

    Alors… on en pense quoi ?

    J’aurais beaucoup de mal à trancher si on me demandait lequel des Century est le meilleur. C’est drôle à dire, ils sont tous à la fois semblables et différents. Ils sont tous bons.

    Century Golem : Un monde sans fin est un bon exemple de ce que j’appellerais un « jeu-portail », c’est-à-dire un jeu qui permet d’initier de nouveaux joueurs (ou des non-joueurs) à une mécanique de jeu (ici, le placement d’ouvriers). Il évite brillamment la frustration causée par certains jeux de placement d’ouvriers où les joueurs se bloquent constamment les uns les autres (je te regarde, Agricola !!) Ici, on n’est jamais vraiment bloqué, on a seulement à payer une petite pénalité pour expulser un adversaire (d’ailleurs, on comprend rapidement que cette expulsion est très bénéfique pour l’expulsé, qui récupère des marchands sans avoir à se reposer).

    Le jeu est très simple à prendre en main et à expliquer. Par contre, il ne faut pas se laisser berner par son accessibilité : Un monde sans fin fera travailler vos neurones et, si vous voulez y exceller, vous devrez planifier vos coups et bien surveiller ce que font vos adversaires, au risque de vous faire voler la carte Points pour laquelle vous travailliez depuis quatre ou cinq tours! Les esprits mathématiques s’y sentiront très à l’aise, puisqu’on peut attribuer une valeur à chaque marchandise en fonction de leur rareté (jaune 1, vert 2, bleu 3, rose 4) et ainsi calculer l’efficacité de nos échanges (par exemple, échanger 1 bleu contre 4 jaunes ne nous fait faire qu’un gain net de 1, alors que trois jaunes contre trois verts nous donnent un gain net de 3!) Il y a donc pas mal de stratégie et de profondeur qui se cache sous cette mécanique toute simple des échanges.

    Côté visuel/graphique, c’est honnête. Comme c’est un jeu somme toute abstrait (on échange des pierres contre des pierres d’autres couleurs, puis on échange nos pierres contre des points), je trouve que le thème est passablement superficiel. C’est la raison pour laquelle je m’interroge un peu sur la pertinence de la réédition Golem des trois jeux originaux. Les illustrations de la version Golem sont plus colorées pour refléter l’aspect merveilleux du thème, mais ce n’est vraiment pas une amélioration qu’on pourrait qualifier de majeure (en tout cas, rien qui justifie, selon moi, le fait de racheter la version Golem si vous détenez déjà les originaux).

    Tant qu’à rééditer le jeu, j’en aurais profité pour améliorer ce qui me semble le principal défaut : la qualité des plateaux de jeu ! En effet, le plateau principal (modulaire) est constitué de carrés de carton très mince, parfois un peu recourbés, et ça bouge souvent lorsqu’on place nos ouvriers. Je suis peut-être difficile, mais j’aurais vraiment préféré un plateau plus épais et plus solide. Malgré ce défaut, le reste du matériel est de bonne qualité (j’aime les cartes en format tarot, et les pierres précieuses sont jolies et fort agréables à manipuler).

    Somme toute, Century : Un monde sans fin vous conviendra si vous aimez les jeux simples, mais qui demandent quand même une certaine dose de réflexion et de planification. Si vous ne possédez aucun des Century, vous n’avez pas besoin de vous procurer les autres, puisqu’ils sont tous indépendants; si vous possédez déjà les autres titres de la série, alors il complètera agréablement votre collection, et vous pourrez même les combiner pour des défis supplémentaires (attention, toutefois, à ne pas mélanger les versions Golem et les versions originales, puisque l’iconographie est différente!)

     On aime…

    • La simplicité des règles pour un jeu ayant quand même une belle profondeur;
    • Les interactions intéressantes (et pas trop frustrantes!) entre les joueurs;
    • Les grosses pierres précieuses bien dodues 😊 !
    • La possibilité de combiner les titres de la série;

    On aime moins…

    • La fragilité des plateaux de jeu et des plateaux de joueurs;
    • Jouer avec quelqu’un qui souffre de « paralysie analytique » et qui essaie de tout calculer 64 tours d’avance !

    Century Golem : Un monde sans fin

    Un jeu d’Emerson Matsuuchi, illustré par Chris Quilliams

    Plan B Games

    2 à 4 joueurs

    8 ans et +

    30 à 45 minutes par partie


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